Erwin Trum
LES DEBUTS
1957 - 1968

Période Eclectique
Au début quand je faisais de la peinture, je la cachais soigneusement parce que je n’étais pas sûr ; Est-ce que c’est bon ou pas bon ? Si tu n’as aucun critère n’est-ce pas, tu ne sais pas ce tu fais… Presque irresponsable.







Quand tu fais un portrait, autoportrait ou le portrait d’un autre, c’est toujours une interrogation de l’homme sur lui-même, sur la réalité humaine ou sa finalité si on peut dire.










Quand je suis arrivé à Paris début 53 c’est là où je me suis acheté mes premiers crayons de couleurs et j’ai commencé à copier des tableaux. Enfin des trucs vachement Parisien, des tableaux de femmes à la mode. C’était pas du tout expressionniste. C’était très stylisé, la femme légère, la femme parisienne, la jeune fille élancée, la poitrine bien nourrie, souvent des trucs en soierie, un chapeau… Enfin la pin-up améliorée si on peut dire. J’ai copié ça et puis j’ai arrêté, la copie de tableaux ne m’a jamais intéressé. Puis j’ai tout foutu en l’air, c’était pas sérieux.



Les premiers portraits que j’ai faits c’est des portraits sur reproduction d’Hemingway, Ezra Pound des trucs comme ça. Utrillo faisait bien ses paysages d’après cartes postales, alors il n’y’a pas de raison que je ne fasse pas le portrait d’Hemingway d’après une photo de journal, c’était des photos minuscules en noir et blanc sur un journal que j’ai agrandi.





Mes premiers tableaux gestuels à l’huile ou autres ce n’était pas un espace d’éclatement de la réalité comme Pollock le fait, pour moi c’était plutôt « Tu es là allongé dans l’herbe, tu regardes en bas et sous l’herbe tu vois toutes sortes de fourmillements, la terre se découvre et tu vois toute une géologie qui se dévoile, tu vois toute une botanique et une faune, micro faune, des insectes, des fourmis… ». C’est un espace microscopique que tu as presque devant les yeux à dix ou quinze centimètres mais que je voulais en grand.









Quand on commence à peindre, ou quand on s’intéresse à la peinture, même si on ne fait pas de peinture c’est la même chose, on a toujours quelques peintres préférés dès le début même si on ne comprend pas la peinture. J’aimais bien quelques impressionnistes, mais ce que c’était un impressionniste, ce que ça voulait dire exactement je m’en foutais royalement. Il y’a juste quelques tableaux de Monet, Manet, Renoir un peu moins qui m’attirait, aussi Pissarro et Sisley tu vois à peu près. Alors c’était les jeux de lumières, toutes ces subtilités qui sont là-dedans. Tu as un espace mais en même temps ce n’est pas un espace, ce sont des paysages limpides, tout est transparence et c’est ça qui m’attirais. L’attirance pour le moyen-âge, la peinture du quattrocento, c’est venu beaucoup plus tard.






Puis je suis venu à une technique complétement opposée, la linogravure. Toute chose enlevée est définitivement enlevée pour revenir à la forme, pour revenir aux choses solides, pour réapprendre parce que tout était devenu trop aérien, ça se dissipait, il y’avait une espèce de vide au point de vue créativité.













Evidement pour n’importe quel jeune peintre Paris c’est le terminus, alors tu fonces.





Faire de la peinture, je ne pourrais pas dire que c’était une inquiétude parce-que de toute façon je savais que la peinture c’est un truc qui sur le plan de la vie matérielle ne mènera nulle part, la peinture ne nourrit pas son homme. Je suis déjà parti là-dessus et je suis aussi toujours parti du principe "Le fait qu’on pourrait vendre une peinture ça ne prouve pas que ce soit forcément de la bonne peinture même si ça se vend". Ensuite il faut aussi se mettre dans le système. Le système de la peinture est quand même soumis à certaines lois du marché, à certaines contraintes, et les artistes qui rentrent dans ces contraintes abdiquent un peu dans la personnalité. Il y’a quand même le piège à ne pas être tranquille dans sa façon de peindre.














Il y’a eu un doute sur moi. On se pose la question et la raison sur la finalité de l’art.
