
Phénomène étrange que la peinture d’Erwin Trum
La matière en est délicate et solide à la fois, obtenue par de longs préparatifs, comme si le peintre avait retrouvé le secret des maîtres allemands, flamands, italiens du Quattrocento. C’est avec étonnement que nous y constatons l’absence d’anecdotes voire de figuration, alertés, vite prêts à nous laisser séduire par le raffinement de la palette, nous sommes entraînés par le jeu des mille touches de couleurs précieuses, comme si quelques musiques se levaient pour nous et, emportant notre imagination, lui donnait l’humeur vagabonde. Et voici que, complice, elle retrouve sans étonnement l’univers poétique des peintres que nous aimons. Voici la fête colorée des chasses princières de Cranach, l’éblouissement de la Bataille d’Alexandre d’Altdorfer, la construction des batailles d’Uccello, le recueillement des crucifixions de Mantegna, les limpidités des aquarelles de Dürer, la dramaturgie fantastique de Magnasco, le fascinant ballet de formes et de couleurs de Bosch ou de Dali, l’inquiétant théâtre maniériste de Monsù Desiderio, les fraîcheurs de Brueghel. C’est sans doute parce qu’elle sait ainsi, sans jamais faire preuve d’arrogance ou de pédantisme, sans faux pas, solliciter, par les plaisirs de notre œil, notre mémoire, lier naturellement notre culture à notre sensibilité que la peinture d’Erwin Trum nous satisfait.
Henri Claude - Historien de l’art et professeur d’histoire de l’art - Ecrivain
Extrait du discours de remise du prix Galilée par l'académie Stanislas - Nancy - 21 janvier 1990